Des différentes crises énergétiques, on peut tirer la leçon que si l’exploitation des hydrocarbures demeure la solution adoptée par tous, la prévision de solutions énergétiques de remplacement devient une nécessité devant l’épuisement des réserves énergétiques fossiles et quant à la perspective de son remplacement progressif par une énergie propre et, à long terme, infiniment moins coûteuse. - Bilan énergétique - Elaboration du droit de l’énergie
I – LA CAPACITE ENERGETIQUE DU CONTINENT AFRICAIN
La demande énergétique mondiale s’accroît. Les réserves s’amenuisent et tous les regards sont tournés vers l’Afrique. L’exploitation des sources énergétiques africaines attirent toutes les convoitises. Les Européens font figure d’opérateurs historiques. Les Etats-Unis tentent de réduire l’écart. Le Canada exploite les ressources (hydrocarbures, mines) de la RDC. Les Etats-Unis importent près de 25 % de leur consommation pétrolière de l’Afrique. La Chine a récemment découvert l’eldorado énergétique africain. L’Inde s’approprie timidement le continent. Les demandes sont focalisées prioritairement sur énergies fossiles, particulièrement les hydrocarbures.
1/- Energies fossiles : L’Afrique constitue, aujourd’hui, une zone vierge à la prospection[1]. Quasiment inexploitées, les réserves africaines en hydrocarbure sont perçues comme une réponse au futur énergétique mondial. Une grande diversité régionale accompagne l’évolution énergétique du continent africain. Certaines réserves de pétrole et de gaz sont concentrées en Afrique du Nord et de l’Ouest. D’autres réserves pétrolières sont localisées sur les zones côtières. L’Afrique du Centre et de l’Est abrite le potentiel hydroélectrique, tandis que le charbon est l’apanage de l’Afrique du Sud. Les réserves énergétiques sommairement prouvées représentent, pour le pétrole, près de 10 % des réserves mondiales et pour le gaz, environ 9 % des réserves mondiales[2]. Les statistiques gouvernementales américaines[3] place l’Afrique au troisième rang mondial, avec des réserves de pétrole de 77.4 milliards de barils, après le Moyen-Orient avec 685.6 milliards de barils et l’Amérique du Sud, 98.6 milliards de barils. Ce continent occupe le quatrième place des réserves mondiales de gaz avec 418.2 milliards de barils, après le Moyen-Orient, 1979.7, l’Europe de l’Est, 1964,2 milliards de barils et l’Asie et l’Océanie pour 445,4 milliards de barils.
Ce constat invite les acteurs de la filière pétrolière et gazière mondiale à fonder, à raison, de grands espoirs sur ce continent. Par ailleurs, les 6 % des réserves mondiales de charbon que détient l’Afrique pourraient permettre la satisfaction de la consommation durant les 200 prochaines années. Le rapport annuel de l’OCDE place le continent africain au quatrième rang mondial avec 20 % des réserves d’uranium, après l’Australie qui est détenteur de 23 %, le Canada avec 12 % et les Etats-Unis avec 7.5 % des réserves mondiales. L’uranium est principalement situé en Afrique du Sud, au Namibie et au Niger. Ce potentiel énergique plus qu’honorable n’a pas empêché le classement de ce continent en « zone exempte du nucléaire »[4].
2/ - Les hydrocarbures : En 2001, 87,5 % des découvertes d’hydrocarbures réalisées dans le monde l’ont été en Afrique. En 2004, la production pétrolière africaine, qui représente 20 % de l’économie du continent, était supérieure à 430 millions de tonnes, soit 11.7 % de la production pétrolière mondiale. L’Afrique est aujourd’hui la seule zone, dans le monde, où émergent encore de nouveaux Etats pétroliers. Les recherches énergétiques attirent la convoitise générale. Cependant, la prospection et l’exploitation des hydrocarbures demeurent la priorité générale, particulièrement le pétrole et le gaz. Combustible liquide à haute teneur énergétique par unité de masse, le pétrole représente, malgré le développement d’autres sources énergétiques, 36.5 % de la consommation mondiale de l’énergie. Le gaz naturel se place en troisième position, avec 23.3 %, après le charbon qui constitue 27.9 %. L’énergie nucléaire n’arrive qu’en cinquième position avec 6 % après l’hydraulique, 6.3 %. La production d’électricité qui représente 38 % de besoins énergétiques des pays du Nord (14 % de la consommation mondiale) est assurée par l’énergie nucléaire.
Les hydrocarbures représentent donc 60 % de la consommation mondiale. Ainsi, cette catégorie d’énergies fossiles est préférée aux énergies renouvelables ; ce qui est probablement bénéfique à l’Afrique. Ainsi, l’engouement des énergies fossiles (à exploiter aux fins d’exportation vers les autres continents) doit être compensé, progressivement, par le choix de l’énergie propre, renouvelable qui offre, pour le long terme, une aucune garantie d’approvisionnement à moindre coût.
3/ - Energies renouvelables : Les sources énergétiques provenant des combustibles fossiles et l’énergie nucléaire provenant des combustibles fissiles s’amenuisent. Les impacts nocifs de l’exploitation et l’utilisation de ces énergies incitent la société à reconsidérer sa consommation énergétique et à opter pour un usage limité dans l’attente de solutions alternatives satisfaisantes. Le terme « énergie renouvelable » est préféré à celui d’énergie alternative. Il s’agit d’énergies dont les ressources sont capables de procurer de l’énergie en permanence pour répondre aux besoins de la population actuelle sans remettre en question les conditions d’existence des générations futures.
Les sources sont donc inépuisables ou, du moins, ont une capacité de régénération plus rapide que leur utilisation[5]. Sans procéder à une énumération : le vent, le soleil[6], la mer et les fleuves sont considérés comme sources d’énergies renouvelables par excellence. Le continent africain possède un potentiel en énergies renouvelables de plus de 1000 fois supérieur à ses besoins énergétiques[7]. Les ressources énergétiques africaines sont plus que suffisantes pour faire face, à court et moyen termes, aux besoins du continent[8].
II- LA CONSTRUCTION D’UN DROIT AFRICAIN DE L’ENERGIE
L’élaboration d’un droit africain de l’énergie doit appréhender les dimensions nationale et régionale des actions que les textes ont vocation à régir. Ainsi, l’intégration de l’énergie dans les stratégies nationales et sectorielles de développement et nécessairement le renforcement des cadres de planification nécessaire à la satisfaction des besoins énergétiques doivent être encadrés.
Au plan régional, l’accélération des initiatives telles que les projets d’interconnexion, la mise en commun des ressources énergétiques, le projet de gazoduc, la construction de sites hydro-électrique tels que le barrage d’INGA doivent être coordonnés par les institutions régionales. La recherche d’une telle construction juridique doit tenir compte de la nature de l’objet à régir et de l’influence historique de ce continent particulier.
1/ - L’élaboration d’un droit des énergies non renouvelables :
Localisées traditionnellement dans le sous-sol, les hydrocarbures sont exploitables selon des techniques assimilables à celles de l’industrie minière. Ainsi, de nombreux Etats africains font figurer le droit des hydrocarbures dans le code minier[9]. Cependant, une législation foisonnante contribue à l’émergence du droit africain de l’énergie. En France, la première édition du Code de l’énergie n’a vu le jour, après une lente maturation, qu’en 2011[10]. Comme tous les codes de l’Energie actuellement en vigueur, il réunit notamment des textes dédiés à la recherche, l’exploitation de ressources énergétiques.
L’élaboration d’un Code de l’Energie ne peut empêcher que certaines dispositions figurent dans d’autres supports. C’est ainsi que de nombreuses dispositions touchant à l’énergie, notamment la fiscalité relative à l’exploitation de sources énergétiques, ont pu être insérées dans le Code des Impôts. Le droit africain de l’énergie présente des similitudes dans la mise en place du cadre juridique. Cette complexité est d’autant plus grande que dans le cadre du continent africain, différentes institutions régionales tendent à détenir une autorité en matière énergétique.
L’industrialisation de l’exploitation des ressources naturelles a nécessité un régime juridique adapté à l’évolution du continent Or, ce qui est compliqué pour un pays peut s’avérer complexe au niveau régional. En France, le Droit de l’énergie est à la croisée des chemins. Il est en relation avec le droit de l’environnement, le droit social[11] et sollicite le droit interne des états, le droit des institutions régionales et le droit international. La grande difficulté réside dans la capacité de fédérer ces législations.
Le danger que constitue le dépérissement des sources fossiles et fissiles a contraint la société à modifier son comportement quant à l’exploitation puis la consommation des ressources énergétiques. Ainsi, le rapport Brundtland a invité les différents acteurs à inclure le concept de développement durable dans leur mode de fonctionnement[12]. L’exploitation de sources renouvelables d’énergie contribue à la mise en place de solutions énergétiques durables.
3 / - L’harmonisation du droit africain des énergies :
L’histoire du droit africain est d’une grande complexité compte tenu de la grande vivacité des sources[13]. La diversité des régimes juridiques qui se sont croisées aux confins des règles traditionnelles africaines et du droit positif solidifie les structures juridiques cardinales desquelles le droit africain puise ses sources. Cet aspect complexe de la matière offre une grande générosité lorsqu’il est question d’irriguer le système juridique énergétique africain.
Traditionnellement localisées dans le sous-sol, les hydrocarbures appartiennent à la famille des énergies fossiles, non renouvelables à l’échelle humaine[14], exploitables selon des techniques assimilables à celles de l’industrie minière[15].
Sans pouvoir prétendre à une uniformisation des régimes miniers, le droit d’accession, le droit domanial et le res nulluis constituent les régimes miniers les plus usités. Dès 1880, le Canada a décidé que l’ensemble des droits miniers était dévolu à la Couronne. La Grande Bretagne a, par le Petroleum Act de 1934, adopté un régime similaire. Il en a été de même pour un certain nombre d’Etats anglo-saxons tels que l’Australie, l’Inde ou l’Afrique du Sud. La législation minière dans ces Etats ne présente cependant qu’une apparente simplicité. Certaines dispositions de la Constitution fédérale canadienne attribuent des pouvoirs législatifs spécifiques en matière énergétique aux provinces. Ainsi, la loi constitutionnelle de 1867 attribue compétence exclusive aux provinces, en matière de prospection des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières ainsi qu’aux installations de la province, destinées à la production d’énergie électrique (art.92A-2), sous réserves de disparités flagrantes au sein du territoire fédéral en matière de prix ou dans les exportations nationales. La province a, par ailleurs, les compétences fiscales précises en la matière. L’Etat fédéral conserve ses compétences pour l’exploitation de ses biens domaniaux à l’extérieur des provinces[16]. Le Canada comme les Etats-Unis respecte la tradition courante en droit anglo-saxon du respect des droits acquis et par conséquent, les personnes privées, anciennement titulaires de droits de mines, ont pu conserver ceux-ci. Cette situation ne laisse pas l’Etat amoindri dans l’exercice de sa souveraineté sur ses ressources naturelles dès lors que l’Etat fédéral détient un droit domanial sur une part importante du territoire national ce qui lui confère la propriété des substances minières.
Le continent africain n’est pas le seul à souffrir de la difficulté à se construire un tel régime juridique de l’énergie. L’Europe n’est pas épargnée par de telles entraves[17]. Si la Belgique est parvenue à élaborer un code de l’Energie[18], le régime juridique de l’énergie en Suisse est aménagé de façon éparse[19]. En droit français, de nombreuses dispositions relatives à l’énergie trouvent leur place tant dans le Code de l’Environnement que de celui de l’Urbanisme[20]. Le développement de l’énergie renouvelable ne simplifie pas nécessairement la réglementation de l’énergie.
Ainsi, un projet éolien met en présence un régime mixte (de droit public et de droit privé) dans un cadre contractuel complexe[21]. Les normes européennes telles que la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, planifient un marché commun de l’énergie sans toutefois ériger un droit commun énergétique à l’échelle européenne.
Le Traité de la Charte de l’Energie précédant la Communautéeuropéenne de l’Energie irrigue le droit positif des Etats membres sans déterminer une règle de droit uniforme dans la Communauté. Le nouveau code français de l’énergie paru en 2011 fait acte d’une codification à droit constant et ne remet pas en cause l’état de droit épars. En réunissant les textes relatifs à l’énergie dans un code, il en simplifie théoriquement la lecture[22]. En tout état de cause, le droit africain de l’énergie est perméable. Il est influencé par des normes d’origine plurielle, nationales et internationales.
[1] Dubois S. Les hydrocarbures dans le monde, Etat des lieux et perspectives, Ellipses, 2007.
[2] Gallez C., Afrique et énergie : environnement, développement et transfert de technologie, Liaisons Energie Francophone, Revue 2007, n° 74 p. 68 s.
[3] Rousselet G., Le pétrole et le gaz dans le monde, AEDIS Editions, 2ème trimestre 2005.
[4] Le Traité de Pelindaba, additionné de ses trois protocoles signés le 2 août 1995, s’appuie particulièrement sur la résolution n° 3472 B de l’Assemblée générale des Nations Unies, en date du 11 décembre 1975. Cette dernière précise : « …que les zones exemptes d’armes nucléaires constituaient l’un des moyens les plus efficaces d’empêcher la prolifération tant horizontale que verticale des armes nucléaires ». En réalité, ce Traité ne se contente pas d’ériger l’Afrique en zone exempte d’arme nucléaire. Il a fait de l’Afrique une zone inaccessible à l’Energie nucléaire.
[5] Febvre Claire, Energies renouvelables : comparaison entre le droit des Etats-Unis et de l’Union européenne, mémoire Master 2 Recherche – Université Paris II, Droit européen comparé, 2009-2010.
[6] L’article 2 de la directive 2009/28/CE sur la promotion des énergies renouvelables précise que l’énergie renouvelable est « une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables… » et présente une liste de sources d’énergies renouvelables.
[7] Danielo Olivier, L’autonomie énergétique de l’Union africaine grâce aux énergies renouvelables, Natura Vox, 15.07.2009 : «Deux fleuves dominants traversent le continent africain. Il s’agit du Nil et du fleuve Congo. Le Nil a une longueur de 6.500 km et le Congo, 4.700 km. Le second est, cependant, plus puissant en débit et représente un des remèdes à l’électrification du continent africain. Il est prévu la construction, à Matadi (région de RDC) d’une grande station hydroélectrique d’une puissance de 40000 MW de capacité, afin de répondre aux besoins énergétiques du continent. Le projet prévoit l’installation du barrage, non sur le fleuve, mais en parallèle du fleuve, sur un bras dérivé. Cette construction, dit le Grand Inga, a un impact négligeable sur le régime du fleuve. A pleine puissance, cette centrale permet de produire théoriquementà pleine capacité : 40 GW x 8760 heures = 350,4 TWh par an. Et avec un facteur de capacité de 90%, elle permet de produire 315 TWh par an. Pour avoir un ordre d’idée, la consommation électrique totale annuelle en République Démocratique du Congo (2003) est actuellement de 0,5 TWh. Cette centrale hydroélectrique Grand Inga permettrait d’alimenter entre 300 et 400 millions de personnes sur les 900 millions que compte l’Afrique».
[8] Rapport du Conseil Mondial de l’Energie de Juin 2005 intitulé «Intégration régionale de l’énergie en Afrique».
[9] Code GABON - Code CONGO - Code minier du Cameroun - Code minier du Bénin.
[10] La loi de programme du 13 Juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique prévoit que toutes les dispositions relatives au droit de l’énergie seront regroupées dans un Code de l’énergie, afin d’en faciliter l’accès.
[11] BLOCK G. et alii. Code de l’Energie – Codex, Editions Bruylant 2003 - Cet ouvrage reprend les principaux textes résultant de la transposition de la directive électricité (96/92/CE) et la directive gaz (98/30/CE).
[12] Rapport du 27 avril 1987 de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Madame Harlem Brundtland.
[13] SACCO R., Le droit africain, Dalloz 2009.
[14] Bodin et alii, L’énergie dans le monde – Bilan et perspectives, Edition EDP Sciences, 2007.
[15] Brasseur R., Législation et Fiscalité internationales des Hydrocarbures, Editions Technip, Paris 1975.
[16] Art. 109 de la loi Constitutionnelle de 1867 (a contrario) – Renvoi sur les droits miniers sous marins de la Colombie Britannique de 1967 – RCS. 792 – Pour le plateau continental de Terre-Neuve (Hibernia) 1984-1 RCS. 86.
[17] REYNERS P. « Le droit nucléaire confronté au droit de l’environnement », Revue Québécoise de droit international, 2007, Hors Série, p. 150 s.
[18] BLOCK G. et alii. Code de l’Energie – Codex, Editions Bruylant 2003 - Cet ouvrage reprend les principaux textes résultant de la transposition de la directive électricité (96/92/CE) et la directive gaz (98/30/CE).
[19] ROMERIO F., Les controverses de l’énergie. Collection Le Savoir Suisse, Presses polytechniques et universitaires romandes, N° 45, 2007, notamment p. 10 s.
[20] Art. L.131-3 et s. du Code de l’Environnement. L.128-1 et s. du Code de l’Urbanisme.
[21] BRADBROOK A., Le développement du droit sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie, Revue Internationale de Droit comparé, 1995, p. 527 s. notamment p. 533 s.
[22] www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000023983208&dateTexte=20110816